Cette 2ème partie de la traversée est celle des questionnements intérieurs sans grandes réponses

tellement les sujets effleurés de l’Immensité et du Temps sont vastes.

Les Galapagos contournés et l’Amérique du Sud dans le dos ce qui pointe devant les étraves est… un mystère.

Seul le présent sera …cadeau pour peu que Patrick et moi décidions qu’il en soit ainsi.

Résumé pour lecteur pressé

 

Notre route

Le délicat choix de la trajectoire se fit  sur le fil du rasoir  entre 2 maux:  le pot au noir à tribord et des alizés renforcés par un fort système anticyclonique à bâbord.

Au total, nous trouvâmes entre le 7ème et le 9ème parallèle une mer et un vent convenant à Croix du Sud pour ne rien casser et qui nous apportèrent  du plaisir.

 

Les chiffres, à 1000 MN de l’arrivée.

Entre le 10 ème jour (où nous quittions les eaux des Galapagos)  et le 21 ème (où le loch afficha les 3000 NM effectués soit les 3/4 de la traversée ) nous effectuâmes 2000 MN.

-Avec voilure réduite (2 ris ou 3 + foc 30m2) pendant les 12 heures de nuit,

-Et le jour, selon, foc 30m2,  gennaker 110 m2 ou spi assymétrique  120m2,  +  1 ris ou 2 dans la GV.

 

Soit 11 jours à une moyenne de 181 NM par jour, soit une vitesse moyenne de 7, 57 noeuds.

 

Nos états d’âme:

-Le Pacifique c’est immense !

-Je sais que je ne sais rien !

-S’aimer !

Et pour  les autres lecteurs… épicuriens, flâneurs, curieux, rêveurs, enthousiastes , découvreurs, chercheurs, …LE récit !

Du pot-au-noir aux alizés du Pacifique-Sud

• L’état de la mer

Le changement majeur fut l’état de la mer. Peu agitée, voir plate dans le pot au noir, l’arrivée dans le grand bain Pacifique s’accompagnât du roulis et du tangage dus à la houle. A bord, nous continuâmes toutefois de déjeuner à table, dehors ou dedans, sans tenir verre ou assiettes.

• L’état du ciel

Soleil et ciel bleu furent certes de retour mais avec grande parcimonie. L’équateur n’est pas les tropiques et ici la couverture nuageuse et les pluies sont presque quotidiennes.

• Les vents

Les vents vinrent (évidemment) du Sud-Est et nous poussèrent vers les Marquises. (Un peu trop d’Est d’ailleurs et pas assez de Sud).

Je vous le fais bref: Les alizés proviennent (entre autres) du frottement de la planète en rotation. Ce qui explique qu’ils soient dans le même sens dans les 2 hémisphères et donc que les tours-du-mondistes du « cercle du soleil » (navigant peu ou prou entre le tropique du Cancer et le tropique du Capricorne) vont toujours vers l’Ouest. Sauf projet particulier et/ou solide expérience de la navigation « à contre sens ».

• Les courants

Nous bénéficiâmes (et continuerons de bénéficier jusqu’à l’arrivée) du courant Sud équatorial qui nous poussât aussi dans le bon sens, en direction de la Polynésie.

• Les températures

Très très bien ! Une fois passée la surprise de ne plus ruisseler, repasser sous la barrière des 30 degrés avec 25-26 degrés jour et nuit, pluies et embruns tièdes fut un plaisir.

Pas si seul que ça ! Nos passagers à plume

Comme vous avez peut être pu le visionner sur nos photos et vidéos de Polarsteps, l’affaire ornithologique a commencé  dès les Galapagos et s’est poursuivie. Jour et nuit…..pendant 500MN.

L’étrave bâbord, au vent devient le domicile attitré permanent des puffins et épisodique des mouettes de Franklin.

Aucune manœuvre de voile d’avant, qu’ils suivaient avec attention ne pouvait les déloger. C’est à regret qu’il consentait à se déplacer du taquet d’écoute de spi quand la main les chassait

Nous nous sommes vraiment bien amusés avec eux et nous avons aussi vraiment bien râlé quand armé(e) de lessive et de brosse,  il a fallu nettoyer les déjections.

Quand changer d’heure?

5 fois … 1 heure!

Vous vous souvenez, notre planète est divisée en lignes imaginaires    180 méridiens OUEST et 180 méridiens EST.

Le 2 août 1880 le choix politique de l’observatoire royal de Greenwich comme méridien zéro et à l’origine du Universel Temps Coordonné (UTC) fut décidé laissant les autres candidats, Paris et Rio  sur la touche.

(Le méridien à l’opposé de Greenwich, méridien Zéro « origine » est le 180ème l’Anté-Méridien où la date change).

Les fuseaux horaires eux sont au nombre de 24 (donc comprenant plusieurs méridiens) avec pour « mission » d’être au plus prêt de l’heure solaire pour peu que les nations décident de s’y référer… ce qui est loin d’être le cas.

Mettre en perspective nos 5 changements d’heure à bord de CROIX DU SUD avec l’histoire de la mesure du temps, celle de la cartographie,  de la rotondité de la terre et de sa place dans la galaxie fut fascinant et vertigineux. Genre « Je sais que je ne sais rien ».

Au départ, nous étions à - 5h UTC   (Paris - 7 h en été).

Progressant vers l’Ouest nous envisageâmes les 5 changements aux méridiens suivants:

• Entre le 90 et le 100     le 1er  UTC - 6                Paris - 8 été
• Entre le 100 et le 110.    le 2ème  UTC - 7           Paris - 9 été
• Entre le 110 et le 120     le 3ème  UTC - 8          Paris - 10 été
• Entre le 120 et le 130.    le 4ème UTC - 9.          Paris - 11 été
• (Entre le 130 et le 140.   le 5ème UTC -10.       Paris - 12 été)

A bord de CROIX DU SUD, le fuseau horaire de nos iPad et iPhone fut tout simplement changé manuellement …comme la pendule du bord…. Toutes les app et notamment celles de navigation suivirent automatiquement.

Le 5ème et dernier changement en arrivant sera particulier puisqu’il ne fera que 30mn. En effet les îles des Marquises ont un décalage horaire de 30mn sur les îles de la société (Tahiti -10H UTC)

Nous changeâmes d’heure á la mi-journée pour ne pas affecter les durées des quarts-quintes de nuit

Quarts-Quintes de nuit

Patrick 20H-1H   (Patrick dort de 1H à 6 H)

Sylvie 1H-6H.  (Sylvie  dort de 20H à 1H)

Avec notre petite expérience des 2 semaines de  TransAtlantique en couple et surtout mes 20 ans de garde en tant que sage-femme, 3 heures (pour nous) sont insuffisantes sur la durée pour 3 cycles de sommeil réparateurs.

Le quart de 4 heures est limite et la quinte de 5 heures parfaite pour-tenir-le-mois-de-navigation-transpacifique à 2.

Nous n’envisageames pas dormir simultanément  et laisser Croix du Sud au bon soin du seul OTO si merveilleux soit-il en mode régulateur d’allure.

Grosso modo nous fîmes donc nos « quintes » que complèterent une sieste, matinale pour la femme du bord et post prandiale pour l’homme du bord.

Que surveille-t-on?   Le livre de bord

Nous gardons une tendresse particulière pour notre cahier d’écolier où nous organisons les colonnes à façon comme à notre bon vieux temps des Glenans et de l’UCPA croisière…avec un stylo 4 couleurs s’il vous plaît !

Idéal pour maintenir la vigilance des veilles de nuit et la souplesse de l’écriture manuscrite.

Nous y consignons comme beaucoup de marins

• Les observations « naturelles »

Heure Locale/ le vent vrai (direction, force, angle d’impact sur l’axe du bateau)/ état de la mer / le baromètre /la nébulosité.

• Les observations électroniques

Cap et vitesse / Vent apparent généré par l’allure (force et angle)  comptabilisation des distances journalières et totales (loch).

• Nos actions en cours

Consignes demandées à OTO en mode suivi-d’un-cap ou en mode suivi-du-vent/  La voilure portée/ La présence ou pas de moteur(s).

La veille ! C’est aussi « le coup d’œil « pour traquer l’incident potentiel et le parer avant qu’il ne dégénère en catastrophe.

Avec la lampe torche ou la frontale nous jetons un coup d’œil de sécurité sur le bateau de la proue à l’avant vers la poupe à l’arrière

• L’étrave avec la fixation de l’ancre correcte.
• La gamelle de l’enrouleur sans mélange de bout.
• Les écoutes du Gennaker ou du spi bien bloqués aux taquets des étraves (puisque l’un ou l’autre est à poste) et surtout leur voile bien roulée serrée.
• La position des dérives qui stabilisent le bateau.
• La tension de la bastaque au vent (éternellement bâbord amure depuis que nous avons mis le cap sur la Polynésie Française).
• L’annexe et ses attaches.
• L’hydrogénérateur bien fixé (jupe arrière bâbord) et l’échelle de bain bien repliée (jupe arrière tribord).
•  Le réglage des voiles grâce aux penons,
• Le ragage les points d’usure potentielles notamment de la GV sur les haubans ou contre la balancine
• Les lattes de grand voile
• La retenue de bôme (un solide palan) omniprésente pour éviter à la chute de GV de battre et donc aux lattes de se casser.

• Enfin nous ajoutons des commentaires sur l’état de charge des batteries de servitude et sur la beauté des ciels.

Les ciels nocturnes…

Les nuits nous paressèrent omniprésentes, longues de 12 heures, bornées d’ aubes et de crépuscules très brefs.

L’observation de la voute céleste fut propice aux réflexions sur le plus grand que soi.

Avec les app comme Sky-Guide (gratuite et hors ligne), le repérage fut un jeu d’enfant et la magie au RDV. Même avec cette couverture nuageuse équatoriale, la réalité augmentée  nous permit quand même de « voir » les constellations.

…et L’importance « morale » de la Lune.

Le nycthémère hauturier redonna toute son importance à notre fidèle satellite. Nous guettâmes ses heures de lever et de coucher, nous espérâmes son éclairage!

La lune décroissante finit noire le 27 avril au 14 ème jour de notre traversée. Les nuages persistèrent à cacher d’abord son mince croissant puis son premier quartier.

Une telle absence rendit sinistre les ondulations aqueuses et firent même apprécier les ourlets d’écume qui apportaient  un peu d’éclat à l’obscurité.

Quand enfin le plafond s’éclaircit, quel soulagement de la retrouver, le dimanche 4 mai gibeuse éclairant enfin Croix du Sud taillant sa route Pacifique.

Les étoiles ?! …

Nous fîmes une « fixette » sur la Croix du Sud, vous comprenez bien!

Quand la météo ne fut pas propice aux ballades nocturnes dans le cockpit parce que crachin, (eh oui l’équateur !!! ) les occupations de ces nuits de 12 heures se remplirent des audio books, lectures, vidéos….Rédaction de  Polarsteps et de ce billet de Sail-The-World…classement des photos,  préparation des messages qui seront envoyés à l’instant de la connexion internet de l’antenne Starlink.

Hydratation et entretien physique. Confession.

Le maintien d’un rituel d’entretien physique me fut difficile. Manque de sommeil et plancher mouvant alimentèrent paresse ou procrastination, je vous laisse le choix du substantif.

Bref, j’ inventais « Yoga/Pilates-de-l’heure » histoire de me motiver: Avec le verre d’eau-tisane-thé sensé être horaire, quelques mouvements pour entretenir les articulations tant il est vrai que les manœuvres peuvent survenir à tout moment et qu’il est préférable d’être dérouillé(et) et pas trop endormi(e)!

La recherche de l’équilibre a chez moi la désagréable particularité d’altérer la confiance en mes capacités. J’applique à la lettre l’adage « une main pour soi et l’autre pour le bateau ». 

Quelles météos entre les Galapagos et l’arrivée?

La bible de Jimmy Cornell « Routes de Grandes Croisières » fut relue, nous progressâmes, je crois.

Les modèles ECMWF et GFS, sur quelles applications?

Pour la « Situation-générale-et-évolution »

Nous apprécions  les 2 windy Windy.com (états-unien) et le français Windy.fr, Parmi le nombre des écrans proposés nous utilisons les caches: rafale du vent/ pluie et tonnerre/ orages/ l’indice Cape/ et les images satellites.

Pour notre « zone Pacifique Sud- Est »

Nous traçons notre route avec l’excellent Weather4D (français)  moins cher que le poids lourd PredictWind (Neo-Zélandais) Routage et Navigation (où j’ai sélectionné  pour la météo le modèle américain GFS et le modèle européen ECMWF) (pour les courants Copernicus global) (pour les vagues GFS vagues)

Couplé avec les fichiers météo de W4D j’ai l abonnement annuel Géogarage à la cartographie du SHOM  bien utile puisque la cartographie NavionicsGarminBoating est vide d’indications sur cette traversée.

Je peux en théorie également exporter ce fichier MTO sur la cartographie Navionics de nos iPad et du traceur Raymarine du bord. En fait je garde les 2 systèmes séparés.

Nous actualisons cette météo au moins matin et soir grâce à la connexion internet Starlink (qui consomme 6-7A/heures)

Dans le pot au noir nous utilisions beaucoup plus chez Windy.com les vues satellites en temps réel pour compléter ce que lisait notre radar.

La force du vent s’est révélée sous estimée de 6 points,  la direction du vent de 20° différente de celle annoncée. De ce fait, pour maintenir le cap,  le choix de la toile ne pouvait pas être celui recommandé par le routage. De plus nos polaires ne sont pas satisfaisantes…il faut bien qu’il reste des marges de progression !!!

Notre seul incident

L’émerillon inox du palan côté moteur de l’annexe  s’est rompu bruyamment un début d’après-midi. Heureusement  le dinghy était encore maintenu par le bout avant et une sangle de sécurité que nous installons pour les traversées.

Ce fut l’occasion de quelques photos acrobatiques de Patrick en lévitation…et matelotage!

Les émotions… et notre amour

Évidemment les émotions sont au rdv adhésives aux changements de l’état de la mer surtout, encore plus qu’aux grimpettes de l’anémomètre.

Bonne entente et tendresse sont les meilleures antidotes à la tension qui monte en même temps que la hauteur de la houle. Nous les cultivons, nous les entretenons comme un précieux jardin de simples.

Elles se parent d’ailleurs d’encore plus de chaleureuses attentions et de propos bienveillants sensés diminuer le stress, rajouter de la confiance en soi, garantir lucidité et efficacité dans les choix et les manœuvres.

Bref calmer les intestins et l’agitation psychique.

Voilà, l’arrivée dans quelques 5 jours se prépare. La météo la prévoit musclée.

De ce fait, nous ne savons encore où, car l’atterrissage sur l’île de Brel et de Gauguin, HIVA OA, est exposé aux vents de Sud.

Vous la retrouverez avec le bilan de cette traversée dans l’épisode suivant TransPacifique 3/3 .

Les Seniors des Flots à bord de Croix du Sud vous embrassent.